Comment je suis tombée dans la marmite des langues.

Je me souviens de la première fois où j’ai compris qu’il existait d’autres langues que le français : j’avais un voisin de mon âge dont les parents parlaient anglais dès qu’ils ne souhaitaient pas que les enfants (nous) comprennent et suivent les conversations d’adultes. Quelle bonne méthode pour donner envie à un petit, qui veut faire comme les grands, d’apprendre une langue étrangère !
J’ai alors progressivement commencé à me questionner sur la traduction, le passage de l’anglais au français et inversement. Je me souviens d’une conversation dans la voiture avec ma mère. Je devais avoir 7 ou 8 ans, en tout cas moins de 10. J’avais le disque d’un groupe de musique qui s’appelaient les What 4 (what for)
 What for… ça veut dire pourquoi ?
– Mmm… pas vraiment, enfin si… Enfin… il y a un autre mot pour dire la même chose…

Hein ? Quoi ? Rien de tel que des mystères, des « pourquoi » et des « comment » pour accrocher un enfant.

À l’époque (à la fin des années 90), on commençait l’anglais en CM1 (je suis bien heureuse de voir que les petits de maternelle découvrent l’anglais dès la première classe aujourd’hui !). Je me souviens de mes premiers cours avec l’intervenante d’anglais, comme si c’était hier. Nous étions assis par terre en cercle et nous apprenions le vocabulaire des fruits. J’ai le souvenir très vif de l’image de la poire, du visage et de l’attitude de l’intervenante.

– How are you?
– I’m good, wotabatchu?

Ce charabia, j’en comprenais le sens (« Et toi comment ça va? ») et sa sonorité faisait bien rire nos petites têtes de francophones. Je me souviens le plaisir de prendre la parole, d’essayer de répéter les expressions de l’intervenante.

Puis, cette même année, bonheur ultime pour une enfant ouverte sur le monde et fascinée par l’étranger comme moi : nous avons préparé notre correspondance avec une classe anglaise. Impossible de me rappeler d’où elle venait, mais j’avais très hâte de rencontrer Hayley, celle qui me semblait à l’époque être mon double d’outre-Manche. Nous avons travaillé sur un petit carnet de correspondance, avec des questions à poser à leur arrivée. L’échange ne se ferait que dans un sens.

Hayley est arrivée et nous nous sommes assises dans la cour. Très très scolaire, j’ai commencé à lui poser les questions de mon carnet. Elle était extrêmement timide, ce qui se comprend : nous avions 9 ou 10 ans et elle quittait son pays pour la première fois sans ses parents. Je me souviens que son animal préféré était le panda (facile, c’est le même mot dans les deux langues). Elle était venue dormir à la maison, apeurée, mais vite rassurée par ma maman, qui était aussi la maîtresse de CM1, quelle chance !

J’ai gardé ce carnet précieusement pendant des années. Ce projet m’avait beaucoup stimulée.

De là est née une passion. J’ai découvert l’anglais dans la musique grâce à mon grand frère qui, un jour, m’a demandé quel CD je voulais pour mon anniversaire. Il m’a proposé Madonna et Britney Spears. À l’époque, j’écoutais Lorie, Priscilla et les comédies musicales à la mode en France, et la musique étrangère m’était inconnue. Sans y connaître grand-chose, j’ai acquiescé.

Je me souviens les heures passées assises par terre à écouter les chansons tout en essayant de lire et de déchiffrer les paroles sur le petit livret qui accompagnait le disque. Je n’avais pas de dictionnaire, ni Internet pour vérifier, alors j’émettais des hypothèses dans le vent.

J’ai ensuite fait la même expérience avec l’espagnol, que j’ai découvert à l’école en 5e. L’expérience a été moins probante, je pense que l’attitude de l’enseignant joue un rôle important et malheureusement, je n’ai pas sauté dans le train de cette langue… Je le regrette aujourd’hui car mon niveau est très médiocre.

Le latin, puis l’italien ensuite, m’ont, quant à eux, beaucoup plus. Encore une fois, grâce à deux enseignantes extraordinaires et passionnées.

Depuis, j’aimerais parler le plus de langues possibles. J’ai, à de nombreuses reprises, tenté d’apprendre des langues asiatiques : mandarin, japonais, coréen. Mais sans beaucoup d’investissement et de motivation, j’ai vite abandonné.

En 2020, j’ai commencé à apprendre l’allemand, après avoir méprisé mes camarades de collège qui avaient fait ce choix de LV1 ou LV2 :

– C’est pas beau l’allemand.
– De toute façon, on ne parle allemand qu’en Allemagne, il vaut mieux apprendre une langue avec plus de locuteurs dans le monde entier.

On ne parle italien qu’en Italie (et en Suisse), et pourtant…
Les touristes allemands sont très présents en France, à toute période de l’année, ce qui fait de nombreuses occasions de parler et entendre la langue. Les programmes (séries et films) en allemand se popularisent grâce aux plateformes de streaming, et c’est toujours plus agréable de comprendre a minima ce qu’il se dit plutôt que de passer son temps à lire des sous-titres.

Bref, depuis 2020, je m’y tiens. J’ai même décidé de commencer à prendre des cours hebdomadaires en janvier 2023, grâce à la plateforme Gymglish (j’en parlerai dans un prochain article). Je suis allée tester mon niveau et l’écart à réduire avec celui d’un natif lors d’un court séjour à Cologne en novembre 2021. J’ai d’ailleurs passé quelques semaines avec une colocataire allemande à Malte, l’été 2021, Elena, qui est devenue mon amie.

Mon apprentissage de l’anglais est quotidien depuis mon premier cours en CM1 : musique, séries, réseaux sociaux, livres (merci J.K. Rowling), voyages et séjours linguistiques, études et échanges universitaires, amis et élèves du monde entiers, etc.
Tomber dans la marmite d’une langue, c’est avant tout tomber dans la marmite culturelle : on apprend vraiment une langue à travers la culture du ou des pays dans lesquels elle est parlée, on apprend les variantes linguistiques, l’argot, les idiomatismes et on apprend à distinguer les accents.

C‘est pour cela que j’ai un peu perdu mon italien. Je m’y suis remise activement lors de ma reprise d’études de traduction en 2020 et j’avais beaucoup oublié, n’ayant aucun lien linguistique ni culturel avec l’Italie depuis le lycée (je n’y suis allée que pour les vacances, 2 ou 3 fois, ce qui ne suffit pas à maîtriser une langue, ni même à l’entretenir).

Depuis, j’ai rattrapé mon retard, et les langues que j’ai apprises me sont bien utiles pour échanger avec mes élèves et comprendre l’origine de leurs erreurs.

Je vous souhaite à tous de vous prendre de passion pour l’apprentissage des langues, car elles sont synonymes d’ouverture aux autres, de tolérance, et nous permettent de découvrir de nombreuses cultures et visions du monde, mais également de réfléchir sur notre propre langue et notre propre culture

Une réponse à « Comment je suis tombée dans la marmite des langues. »

  1. Chère Fanny, merci de partager cette histoire avec nous. Je l’ai adoré.

    Valeria

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